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Allergie aux visites guidées

Mercredi 6 Juin, Puno

Encore un réveil matinal, cette fois-ci pour une journée en bateau sur le lac Titicaca. Le minibus de l’agence vient nous chercher à l’heure prévue et nous emmène au port où nous embarquons sur notre petit bateau à moteur spécial touristes. Nous sommes une bonne trentaine, de toutes les nationalités, sous la houlette de notre guide qui refuse de nous laisser continuer notre nuit et attaque immédiatement ses explications sur ce que nous allons voir aujourd’hui, passant inlassablement de l’espagnol à l’anglais. Une petite demi-heure plus tard, nous nous arrêtons déjà sur les îles Uros, du nom de l’ethnie qui les peuplait autrefois. Ces îles n’en sont pas vraiment puisqu’il s’agit en fait de radeaux de roseaux construits par les habitants pour flotter sur le lac et abriter leurs maisons. Chaque île, de quelques mètres de long, est habitée par une petite communauté, vivant maintenant essentiellement du tourisme. Notre bateau est accueilli par les habitants ou plutôt les habitantes puisqu’il y a très peu d’hommes, ceux-ci gagnant leur vie à Cuzco. Vêtues de leur plus beau costume et tenant par la main les enfants endimanchés qui ressemblent à des poupées, elles attendent les touristes du jour derrière leurs stands d’artisanat. Heureusement, malgré le côté très artificiel de l’endroit (imaginez 50 touristes débarquant en même temps sur un tout petit bout d’île où ils sont attendus de pied ferme), nous sommes fascinés par les explications du guide sur la construction de ces îles artificielles. Il soulève devant nous un petit carré de roseaux du sol, préalablement découpé, et nous avons la surprise de nous rendre compte que la couche d’herbes tressées ne fait que quelques mètres d’épaisseur, laissant apercevoir au fond du trou ainsi formé les eaux sombres du lac Titicaca. La sensation que l’on a en marchant sur le "sol" de roseaux est d’ailleurs très étrange : c’est mou, le pied s’enfonce un peu puis rebondit et on en vient à envier les habitants qui marchent pieds nus sur ce doux tapis.

Je suis une fois de plus agacée par le comportement des touristes qui n’écoutent pas les explications du guide et s’éclipsent pour être les premiers à faire les photos si typiques de ces habitants si charmants qui posent pour devenir la photo souvenir de ces occidentaux en mal de détails authentiques. Que dire devant ces touristes qui mitraillent les jeunes enfants, leur collant leur appareil photo sous le nez, les prenant dans leurs bras et leur caressant la joue juste dans le but d’être immortalisés ainsi pour la postérité ? D’ailleurs, ces enfants ne seraient-ils pas mieux à l’école plutôt que de servir ainsi de joujou aux riches touristes ? Mieux vaut regarder le paysage, ces eaux bleues qui s’étendent à perte de vue et contrastent avec les roseaux jaune paille et les couleurs vives des vêtements. Nous partons pour une seconde île, en tout point identique à la première, et attendons les quelques voyageurs qui ont cédé à la promenade souvenir obligatoire (et payante) sur une barque de roseaux conduite par les habitants. Bien sûr, ici aussi l’on nous sollicite lourdement pour acheter un peu d’artisanat et nous ne sommes finalement pas mécontents de remonter enfin sur le bateau et de reprendre notre navigation vers notre destination principale, l’île de Taquile. Nous avons du mal à croire que nous sommes bien au Pérou, voguant à plus de 4000 mètres d’altitude sur un lac d’eau douce, tant le paysage alentour ressemble à la mer. Seuls les hauts sommets enneigés de la cordillère, au loin, nous rappellent les Andes toutes proches.

Nous avons une impression étrange en arrivant sur l’île de Taquile, ses paysages nous rappelant vraiment la Méditerranée, on se croirait en Corse ou en Sicile. Nous entreprenons une belle grimpette jusqu’au village juché en haut de la colline, entrecoupée de longues pauses pour reprendre notre souffle, décidément il n’est pas facile de monter quand on est à 4000 mètres. Les paysages plutôt arides de lîle, les petits murets délimitant les champs, les pins noirs se découpant sur le ciel et cette eau si bleue tout autour nous donnent vraiment l’impression d’être de retour en terre connue. Une fois de plus, nous regrettons de devoir suivre le rythme de l’excursion guidée, totalement imposé par notre guide : il faut se dépêcher de monter, ensuite nous avons droit à une petite demi-heure libre avant de retrouver le groupe pour aller déjeuner. Tous les bateaux sont arrivés en même temps et l’invasion touristique du village est complète. Des dizaines d’occidentaux se pressent sur la minuscule place tandis que les enfants les harcèlent pour vendre de petites babioles et que les femmes et hommes en costume typique posent pour la photo. Pff, nous sommes bien contents de nous être contentés d’une excursion d’une journée et de ne pas avoir souscrit à la formule de deux jours avec une nuit sur l’île et une grande soirée soi-disant traditionnelle, en fait organisée totalement pour la distraction des touristes. Nous avons à peine eu le temps de nous éloigner du troupeau pour essayer de profiter un peu des jolies ruelles du village qu’il est déjà l’heure du rendez vous. Notre guide s’évertue à rassembler ses ouailles et nous explique que nous allons au restaurant déjeuner avant de reprendre le bateau dans une heure. Nous trouvons complètement idiot de perdre notre temps enfermés dans une salle de restaurant alors que nous venons d’arriver et n’avons vu qu’une minuscule partie de l’île. Nous négocions donc avec le guide, un peu inquiet de nous voir lui fausser compagnie, et obtenons quartier libre jusqu’au départ du bateau où nous nous rendrons par nos propres moyens. Ouf, enfin seuls, nous allons pouvoir profiter un peu de cet endroit, au demeurant joli mais complètement gâché par son exploitation touristique.

Nous achetons de quoi grignoter à la petite épicerie du village et partons nous perdre dans les ruelles fleuries du village. Notre impression méditerranéenne se confirme, à part quelques détails typiquement péruviens nous avons vraiment l’impression de flâner dans une île des Cyclades. Le village est beaucoup plus agréable maintenant que l’agitation de l’arrivée du bateau est retombée et les paysages, bien que pas vraiment spectaculaires, possèdent beaucoup de charme. Nous flânons sur les sentiers de terre parcourant la colline et offrant de magnifiques points de vue sur les eaux bleues. La surface du lac est si calme que la traînée d’un bateau s’éloignant s’étend en une forme géométrique parfaite jusqu’à l’horizon. Les femmes habillées de longues robes noires et les hommes au drôle de costume blanc et rouge agrémentent encore un peu plus notre illusion d’île grecque. La température est idéale, il fait juste bon et nous apprécions bien notre petite escapade, ne regrettant pas une seule seconde le repas au restaurant. Nous descendons les centaines de marches de pierre qui nous mènent au port, toute petite échancrure en contrebas où les bateaux du retour nous attendent déjà. Un dernier regard sur cette jolie île et il est déjà temps de faire demi-tour pour les quelques heures de navigation qui nous ramènent à Puno. La journée n’est pas finie puisque nous avons décidé de gagner du temps et prenons ce soir un bus de nuit pour Tacna d’où nous regagnerons le Chili.

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